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Ancre 4

Une brève histoire...

Que veut dire "écopsychologie" ? D'où vient l'écopsychologie ? Qui se cache derrière l'écopsychologie ?

Découvrez ici une brève histoire de l'écopsychologie

Les fondements théoriques

Sur quoi repose l'écopsychologie ? Comment comprendre l'écopsychologie ? 

 

Découvrez ici les fondements de l'écopsychologie

Crise écologique & écopsychologie

Découvrir et comprendre la dimension écopsychologique de la crise écologique

Une brève histoire...

Ancre 1
« Il n’y a pas l’homme d’un côté, la nature de l’autre. L’homme est nature. »
Pierre Rabhi

Premièrement, pour appréhender ce qu'est l'écopsychologie, nous pouvons regarder du côté de son étymologie. "Ecopsychologie" est constitué de deux termes : "psychologie", du grec psukhê ("âme") et logos ("parole, discours") qui constitue le corps du mot et qui caractérise l'étude scientifique des faits psychiques, des comportements et processus mentaux ; et "éco" du grec oîkos ("maison, habitat") qui constitue son préfixe et qui fait référence à l'écologie pour désigner l'étude des êtres vivants dans leur milieu et leurs interactions. A première vue, lorsque nous parlons d'écopsychologie nous indiquons la discipline d'origine sur laquelle nous nous appuyons, la psychologie, et le champ sur lequel s'applique nos recherches, l'écologie. Ainsi, par écopsychologie nous désignons un champ complexe et transdisciplinaire au carrefour entre l'écologie et la psychologie, qui questionne les relations entre les humains et la nature, entre la psyché humaine et la Terre, et cherche à les rendre plus harmonieuses pour permettre de vivre dans une société plus saine et plus soutenable. 

L'écopsychologie est née dans la contre-culture américaine des années 1960, grâce à des pionniers comme Robert Greenway, psychologue humaniste, et Art Warmoth, professeur de psychologie, qui avaient déjà à cette époque développé des cours à la Sonoma State University rassemblant l'écologie et la psychologie sous le terme de "psychoécologie", ainsi que des stages en immersion dans la nature "sauvage" (Wilderness, en anglais) (1). 

A la même période, un psychiatre et psychanalyste, Harold Searles, avait lui aussi compris l'importance de la nature dans la construction de la psyché humaine à la suite de ses travaux sur la psychose et la schizophrénie (2).

Nous pouvons également citer le philosophe Paul Shepard qui en 1982 a publié un ouvrage de référence pour les écopsychologues, Nature and Madness (3), interrogeant le rapport entre la construction de notre psyché et nos tendances écocides (comportements de plus en plus destructeurs envers la nature). Mais, concrètement, le terme "écopsychologie" est né et a pris forme dans le livre The voice of the Earth ("La voix de la Terre", jamais traduit en français) (4), écrit au début des années 1990 par l'historien et sociologue Theodore Roszak.

C'est ensuite en 1995, avec un autre ouvrage, collectif cette fois-ci, Ecopsychology : Restoring the Earth, Healing the Mind ("Ecopsyhologie : restaurer la Terre, soigner l'esprit") (5), écrit par Mary E. Gomes, Allen Kanner et Theodore Roszak, que l'écopsychologie a pris une ampleur considérable, dans le monde anglophone essentiellement. 

Ainsi, postulant que la crise écologique est d'abord et avant tout une crise prenant racine dans la psyché humaine, l'écopsychologie tente de montrer le lien entre les souffrances humaines (individuelles et sociétales) et les dégradations et souffrances de la Terre (érosion de la biodiversité, changement climatique, acidification des océans...). 

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Robert Greenway

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Theodore Roszak

Les fondements théoriques 

Ancre 2
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L'écopsychologie partage une grande partie de ses fondements philosophiques avec l'écologie profonde développée par Arne Naess, mouvement qui a eu et a toujours une importance dans le développement critique et pratique de l'écopsychologie. 

Le paradigme de l'écopsychologie postule que nous sommes une partie d'un ensemble d'éléments auto-organisés et vivants que l'on appelle la Nature. Nous sommes inextricablement liés à l'ensemble de la nature et à son bon fonctionnement, et vice-versa. Autrement dit, il s'agit d'une interdépendance radicale. L'humain est dans la Nature et la Nature est en l'humain (6).

L'interdépendance Humain-Nature est au cœur de quatre notions clés :  

  • L'hypothèse de la biophilie

  • L'inconscient écologique

  • Le soi écologique

  • La non-dualité 

L'hypothèse de la biophilie

Biophilie est un néologisme formé par Edward O. Wilson, biologiste et fondateur de la sociobiologie, en 1984. Il est composé du préfixe bio (la vie, en grecque) et du suffixe phile (qui aime, en grecque). Ainsi, biophilie peut être traduit comme "le fait d'aimer le vivant" (7). Pour Wilson, la biophilie représente la connexion "inconsciente" qui lie l'humain à la nature, une sorte de prédisposition physiologique, psychologique et émotionnelle à s'affilier avec l'ensemble de l'écosystème (organique et inorganique). Cette tendance innée, nichée au cœur de notre structure génétique et psychique, résulterait de la longue évolution de l'humain avec son milieu et montrerait notre appartenance inextricable aux animaux et aux plantes mais aussi aux paysages et lieux (8). L'environnement naturel serait, par conséquent, autant central pour la santé physique et mentale de l'humain que les comportements prosociaux. Bien évidemment, l'hypothèse biophilique ne se réduit pas à l'humain. Nous pouvons aisément élargir cette hypothèse à l'ensemble des êtres vivants comme faisant référence à un "instinct biophilique" qui pousse le vivant à continuellement interagir, tissant ainsi la toile du vivant.

L'inconscient écologique

On doit ce concept à Theodore Roszak qui, à partir des travaux de C. G. Jung sur l'inconscient collectif, l'a développé et généralisé dans son ouvrage The voice of the earth.

Jung nous dit que dans les tréfonds de la psyché humaine, il existerait un inconscient collectif, une sorte d'"Homme archaïque" qui serait le vestige de tout ce qu'a pu connaître l'humanité depuis son apparition sur Terre et serait même la source de tous ses instincts. Il le situe au bas fond de l'inconscient, représentant ainsi ses fondations. Il symboliserait le lien universel de notre évolution (un continuum psychique) et se manifesterait en chaque être humain quelle que soit sa culture ou son origine à travers des "archétypes" (formes, images, symboles) ou des instincts. Il s'agit pour Jung d'un inconscient "collectif" puisque commun à toute l'humanité. 

"Ne sommes-nous pas dépositaires de toute l'histoire de l'humanité ? [...] Lorsqu'un homme atteint la cinquantaine, une partie de lui seulement n'a vécu qu'un demi-siècle. L'autre partie, qui vit aussi dans sa psyché, est vieille de millions d'années. [...] L'homme contemporain n'est que le dernier fruit mûr de l'arbre de la race humaine." C. G. Jung (9)

 

Reprenant l'idée de Jung, Roszak va plus loin en affirmant qu'il existerait dans les couches les plus profondes de la psyché humaine, un "lieu" englobant la totalité du monde organique et inorganique. Nommé inconscient écologique, ce lieu représenterait le cœur de notre psyché où se rencontreraient dans une interpénétration mutuelle l'anima mundi (l'âme du monde), rejoignant ici l'idée que la Terre serait bien plus qu'un simple caillou inerte (hypothèse Gaïa de Lovelock et Margulis), et notre psyché. 

Au premier regard nous apparaissons séparé·e·s de notre environnement et du reste de la nature, mais au plus profond de nous, au cœur de notre psyché, nous serions uni·e·s à tout ce qui habite et compose la Terre, voir au Cosmos.

Pour Roszak, il s'agit de réenchanter le monde, de lui redonner une âme en nous reconnectant à notre inconscient écologique. Ce faisant nous avons toutes les chances de faire l'expérience, au plus profond de nous, de notre interdépendance et de ressentir que les arbres, les animaux, les plantes et les fleurs sont eux aussi animés d'un esprit non éloigné du nôtre. 

"L'eau, le feu, les pierres, les plantes, les serpents, les chats ont une intériorité. Ils nous parlent, n'ont jamais cessé de nous parler, en particulier à travers nos rêves. C'est nous qui avons cessé de les écouter, qui ne savons plus capter leurs messages." M. M. Egger (10)

 

Cependant, la notion d'inconscient écologique ne fait pas l'unanimité au sein des écopsychologues. Si elle est considérée comme faisant partie des fondements de l'écopsychologie par Patricia Hasbach et Peter Kahn (9), il en est autrement pour Andy Fisher et Ralph Metzner qui la considèrent respectivement comme "arbitraire" pour le premier et "spéculative" pour le second. Pour Metzner cette notion ne s'avère pas pertinente, il préfère inscrire la séparation de l'être humain avec la nature dans la conscience ordinaire. Pour lui, il est davantage utile de susciter et de développer une "conscience écologique" pour nous réveiller et prendre au sérieux les impacts de nos activités humaines sur la nature, que de s'efforcer à retrouver notre inconscient écologique (11).

Le Soi écologique

La notion de soi écologique a surtout été développé dans le mouvement de l’écologie profonde, par le philosophe Arne Naess, et vient appuyer la critique d’une société occidentale se pensant être la mesure de toutes choses, au sommet de la hiérarchie du vivant. Cependant, depuis les années 1970 nombre d’auteur.e.s et de chercheur.e.s en psychologie ce sont penché.e sur la valeur qu’a la nature sur la construction du soi et ses conséquences sur la santé mentale et physique, le bien-être, et les comportements pro-environnementaux (12). Mais de quoi s’agit-il ? Que représente le « soi » dans le soi écologique ?

Pour bien comprendre, il faut distinguer de quel « soi » nous parlons ici. En psychologie, le soi est souvent défini comme étant l’ensemble des informations accumulées par l’individu sur lui-même et qui guident ses attitudes, actions et jugements. En règle générale ces informations sont accessibles par l’individu et constituent sa « perception de soi », c’est-à-dire son identité propre par laquelle il se définit. Cela correspond à ce que l’individu perçoit ou croit être vrai sur lui-même. Toutefois en écopsychologie la notion de soi est plus large et se rapproche davantage du concept utilisé par le psychanalyste et psychiatre C. G. Jung. Dans sa conception du soi, Jung nous dit qu’il représente la totalité de la psyché de l’individu, c'est-à-dire qu’il est constitué de sa partie consciente et inconsciente. Ce soi est pour Jung complexe et paradoxal puisqu’il est à la fois facteur de liaison (par exemple, nous avons le sentiment d’appartenir à la même espèce, homo sapiens) et de différenciation (je ne suis pas la même personne que mon frère), dans lequel le « Moi » de l’égo y est préformé. Par conséquent, le soi représenterait à la fois un tout et ce qu’il y a de plus intime en chacun·e de nous et serait accessible par une introspection rigoureuse.

Le soi écologique peut donc être vu comme un prolongement ou un élargissement, bien au-delà d’une identité individuel, familial ou sociétal, incluant toute la communauté du vivant. Autrement dit, il se caractériserait par l’intégration consciente d’un sentiment d’interdépendance et d’interconnexion avec l’ensemble des écosystèmes et viendrait s’inscrire au cœur de l’identité de l’individu. Sussan Clayton et Sussan Opotow parlent à ce sujet d’une « identité environnementale » défini comme une « croyance que l'environnement naturel est important pour nous et est une partie importante de qui nous sommes» (13). Des études ont montré que le sentiment profond que la nature fait partie de notre identité était positivement corrélé à des comportements écologiques et pro-environnementaux, à un sentiment de bien-être personnel, et à des attitudes plus altruistes et anti-consuméristes (14). Ces résultats vont dans le sens de l’idée partagée par Leopold, Roszak et Fisher selon laquelle, si nous parvenons à élargir notre soi pour y inclure le monde naturel, alors nos comportements destructeurs vis-à-vis de la Terre seront vécus comme des comportements d’auto-destructions (15). Loin d’être une notion purement théorique, un exemple inspirant nous vient d’un activiste et militant écologiste australien, John Seed, qui après avoir participé en 1979 à une manifestation à Terania Creek pour protéger les arbres que l’état voulait abattre, a déclaré avoir pris conscience qu’il ne protégeait pas les arbres d’une forêt tropicale mais qu’il était un élément de la forêt tropicale chez lequel la pensée est récemment apparue et qui se protége elle-même (16).

Élargir son soi fait parti d’un processus d’individuation, comme le décrit Jung, où l’individu, à l’image de John Seed, aspire naturellement à se réaliser lui-même, c’est-à-dire à évoluer vers une maturité et un équilibre psychique où l’égo cesserait sa domination sur le reste de sa psyché. Cette maturité ne s’acquière pas dès que nous atteignons l’âge adulte mais fait plutôt partie d’un processus continu de transformation intérieure présent tout au long de la vie. Le soi écologique de l’écologie profonde défini par Naess, permet donc de dépasser son soi étroit et renfermé sur son égo pour intégrer dans sa psyché en général et dans son identité profonde en particulier l’ensemble de la toile du vivant. A contrario, le sentiment d’un soi étroit, égotique et séparé de la nature serait une des causes principales de la crise écologique. Renforcé par un anthropocentrisme exacerbé, ce sentiment d’un soi séparé avec la nature ne serait qu’une illusion, une perception subjective créée par l’égo dans sa volonté de contrôler et de se protéger du monde extérieur (17).

La Non-dualité

Cette notion est l'une des plus fondamentales dans l'approche philosophique de l'écopsychologie – puisque définissant son paradigme – et aussi l'une des plus complexes à appréhender pour les occidentaux habitué·e·s à vivre dans une société où la pensée dualiste est la norme.

Le paradigme de l'écopsychologie est que l'humain est inextricablement lié à la nature dans toutes ses dimensions (physique, corporelle, émotionnelle, psychologique, ontologique). Il s'agit d'un paradigme de la non-dualité. Nous ne sommes pas des entités séparées de la nature mais nous sommes une partie de la nature et la nature est en nous. Cependant, pour comprendre ce que l'on veut dire par « être non séparé·e de la nature » il faut être au clair sur ce que l'on entend par « nature ». Ce concept est lui aussi difficile et ambigu à appréhender puisqu'il n'exprime pas la même chose selon son contexte et selon les personnes qui l'emploient. Pour les écopsychologues, la nature est souvent utilisée au sens large, faisant référence à la Terre entière (Gaïa) et parfois même au cosmos, c'est-à-dire à l'ensemble de la biosphère (la faune et la flore), les montagnes, les rivières, les océans ainsi que le milieu dans lequel évolue la Terre (le soleil, la lune, les astres et les étoiles). Il s'agit d'une vision holistique, vivante et dynamique de la nature. Ainsi la phrase « nous ne sommes pas des entités séparées de la nature... » signifie qu'il n'existe pas dans la réalité de dualité entre l'humain et la nature, entre l'intériorité de notre être et l'environnement extérieur, la nature. Cette "séparation" serait plutôt une perception subjective créée par un "soi" se pensant extérieur, éternel et permanent dans son essence (18). 

"Une conclusion émerge de mon expérience : nous sommes, avec nos vies, comme des îles dans la mer ou des arbres dans la forêt [...] Les arbres mêlent leurs racines dans les profondeurs obscures de la terre comme les îles tiennent ensemble via le fond de l'océan. Il y a ainsi un continuum cosmique contre lequel notre individualité construit des barrières fortuites, et dans lequel nos multiples esprits plongent comme dans une mère maternelle ou un réservoir." William James (19)  

Il n'y aurait pas de discontinuité entre la psyché humaine et une nature extérieure supposée "étrangère" à notre être. Par conséquent, nos sensations et sentiments d'être des entités séparées d'avec le reste ne seraient qu'une illusion, une vision superficielle du monde. De la même manière que l'histoire évolutive de Darwin nous a montré que l'être humain faisait partie d'un continuum reliant tous les vivant·e·s génétiquement entre ellle/eux, il convient de considérer la psyché humaine comme intégrée et intégrant l'ensemble de la vie sur Terre. 

Définitions & Cœur de l'écopsychologie 

« L’écopsychologie explore les interrelations profondes entre la nature et la psyché humaine, dans leurs dimensions conscientes et inconscientes. Elle trace différentes pistes théoriques et pratiques dans un double dessein. D'une part, prendre en compte les composantes psychologiques et émotionnelles des problèmes environnementaux et de nos relations avec la nature. D'autre part, replacer les souffrances et les pathologies humaines dans leur contexte écosystémique, intégrer le monde naturel et les apports de l'écologie dans les approches de la psyché humaine et les démarches thérapeutiques. »   Michel Maxime Egger *

« L’écopsychologie est centrée sur la relation de soi à l’environnement, de soi à l’autre et de soi à soi. Elle encourage le développement personnel dans le sens où il conduit à une compréhension et une sensibilité plus grandes. »   Patrick Guérin et Marie Romanens *

Postule qu'un contact avec une nature saine contribue à la santé physique et psychologique de l'humain.

Maintient un engagement pour la justice sociale et la durabilité écologique, avec une attention particulière aux populations et écosystèmes les plus vulnérables.

Postule que l'humain a un lien émotionnel profond et réciproque avec la nature et que ce lien constitue une relation psychologique primaire.

Ecopsychologie*

Reconnaît que la qualité du contact entre les humains et la nature et leur relation à la nature sont en rapide déclin dans le monde entier.

Cherche à répondre à ce déclin en faisant une examination critique du système social, des paradigmes sociétaux, et des institutions qui y contribuent, et en proposant des solutions alternatives.

Ancre 3

Crise écologique & écopsychologie

Nul besoin de rappeler ici les conséquences du constat gravissime dans lequel l'humanité, voire même toute la biosphère, est menacée. Nous parlons de l'anthropocène (ou l'ère de l'homme comme nouvelle force géologique, biologique et climatique) et de la 6ème grande extinction des espèces, ou pour le dire avec les mots d'Aurélien Barrau, la 1ère grande extermination de la vie sur Terre. L'humain et ses activités en étant la cause. En somme, nous parlons d'un processus d'autodestruction engagé par l'être humain.

Comment se fait-il que nous, en tant que civilisation, nous en sommes arrivé·e·s à ce point ? Comment se fait-il que, sachant parfaitement les causes nous dirigeant droit dans le mur, nous continuions à accélérer tête baissée ? Que faire pour reprendre contact avec la réalité des enjeux et permettre la meilleure transition écologique possible ?

Pour répondre à ces questions, il est d'abord crucial de bien comprendre que l'être humain est fondamentalement ancré dans la nature et qu'il participe à sa bonne santé. Comme l'a si bien écrit James Hillman, psychanalyste jungien : « Il ne peut y avoir une humanité en bonne santé sur une planète qui ne le serait pas » (20). Cela étant dit, comment se fait-il que nous ayons "oublié" d'où nous venons et ce que nous sommes ? 

Petit tour d'une déconnexion 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Puissant mais interdépendant

On l'aura compris, l'humanité fait face à sa propre puissance. Son développement scientifique et technologique l'ont entraînée à se désinvestir de la nature pourtant source de ce qu'elle est au plus profond de son être. Sous ce prisme, il est facile de comprendre et de voir que la crise écologique, dont l'humain est un témoin conscient, apparait plutôt comme une crise d'identité. Sous cette puissance mondiale acquise par la force d'une déconnexion corporelle, psychologique et émotionnelle avec la nature et sa nature, l'humain se trouve désarmé et en proie à une puissance qu'il ne maitrise pas. Ainsi, reprendre le contact avec ce que nous sommes, avec nos émotions et avec la nature, redescendre de notre piédestal, quitter notre place auto-proclamée au sommet de la hiérarchie du vivant, pour véritablement être en mesure d'écouter ce que nous dit notre cœur, se trouve être une direction favorable à prendre. Autrement dit, il s'agit de sortir de nos modes de pensée dualistes, de reconnaître et d'accueillir notre interdépendance, de cultiver notre intelligence émotionnelle et de réapprendre à écouter la nature en nous. Cela nécessite du courage et de la force pour aller voir, questionner et dépasser nos résistances humaines, et faire naître des sociétés saines et durables où la santé de l'être humain serait le reflet de celle de la Terre.

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Démarre alors la révolution agricole. A ce moment-là, une première révolution des consciences s'opère avec l'idée que l'être humain n'est plus complétement sujet aux caprices de son environnement mais qu'il a désormais la capacité de cultiver ce dont il a besoin pour sa survie. Cette révolution entraîne l'arrêt du nomadisme comme mode de vie pour laisser place à un mode de vie plus pérenne et sédentaire. La construction des premières villes se fait voir et par là même le début d'une vraie déconnexion avec la nature aux alentours de 22H52. Le temps continue de filer et notre déconnexion avec. La fin du nomadisme avec l'apparition de villes, ainsi que l'agriculture, ont abouti au phénomène de stockage et entraîné la spécialisation des tâches, créant l'idée de propriété et de protection des récoltes et de la cité via l'armée. De là, l'urbanisation et l'individualisation se sont davantage développées et ont favorisé l'opposition croissante entre d'un coté la ville et de l'autre la nature, le sauvage. Alors que nous approchons de minuit, deux minutes avant apparaît la révolution industrielle, accélérant notre déconnexion par le grand boom de la science et des technologies. La population mondiale est multipliée par plus de 6, et dans les 20 derrières secondes nous avons consommé plus de ressources et d'énergie que durant les 240 000 années de notre histoire (21). Comme on peut le voir rapidement ici, notre aliénation avec la nature n'est pas quelque chose d'inné mais acquis au fil des siècles de notre histoire. Ce qui laisse entrevoir une brèche d'espoir puisque malgré notre éloignement, l'être humain garde au fond de lui-même, au cœur de ses cellules et de sa psyché, ce lien primordial à la nature (22).

Considérons l'évolution de notre espèce Homo sapiens, vieille d'environ 240 000 années, sur une horloge de 24H. A ce moment là, 0H correspond à l'apparition de notre espèce dans le lieu qu'on appelle aujourd'hui Afrique. A midi, nos ancêtres se spécialisent et deviennent ce qu'on appellera par la suite des chasseurs-cueilleurs qui après une longue période sur place décident (pour certain·e·s) vers 18H de quitter l'Afrique et d'explorer d'autres territoires. La vie nomade des chasseurs-cueilleurs n'est pas de tout repos, il faut sans cesse être sur ses gardes et prendre en compte le milieu dans lequel ils/elles évoluent pour être sûr·e·s de ne jamais trop manquer de nourriture. Si à l'endroit où ils/elles se retrouvent, il commence à manquer d'eau ou de nourriture, alors c'est le signe qu'il est temps de partir voir ailleurs. Les temps sont parfois difficiles mais la chance commence à sourire vers 22H45 quand, grâce à des conditions géologiques et climatiques rêvées (l'Holocène), les chasseurs-cueilleurs trouvent le temps de se poser, de réfléchir et de comprendre qu'ils/elles peuvent cultiver la terre.

L'écopsychologie en 3 images

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La Terre comme un super-organisme vivant capable de s'auto-organiser et où tous les êtres vivants participent dans une extraordinaire interconnexion à son évolution et à sa bonne santé. Par conséquent nous ne voyons pas la Terre comme un stock de ressources que l'on peut piller sans fin ou comme un tout-à-l'égout qui peut contenir tous nos déchets technico-industriels et que l'on peut souiller sans remords, mais plutôt comme un véritable organisme vivant dont nous faisons partie et qui fait partie de nous. A cette fin il devient évident que l'on doit la respecter et en prendre soin. A l'image d'un corps humain ayant une multitude de cellules et d'organes interconnectés et interdépendants capables de s'auto-organiser et dont la bonne santé dépend de la bonne coopération de tous, la Terre serait, par analogie, notre corps plus vaste.

 

La psyché représente la dimension intérieure humaine où viennent s'enraciner les interrelations les plus profondes et intimes entre l'être humain et la Terre. Au cours de l’évolution, il a émergé en l'humain une conscience auto-réflective lui permettant de prendre conscience de lui-même et du monde dans lequel il vit. Cette conscience lui a permis au fil de son évolution de se développer et d'acquérir une puissance sans précédent. Cependant un grand pouvoir implique de grandes responsabilité ! Pour la première fois dans l'histoire de la Terre, la Nature au travers de l'être humain peut se découvrir et se connaître elle-même.

La reliance est l'enjeu de l'écopsychologie puisqu'elle vise à renouer profondément les liens qui nous unissent à la Terre et à réharmoniser nos relations avec elle pour répondre efficacement à la crise écologique. Nous partons du postulat que l'être humain des sociétés modernes doit être psychologiquement, émotionnellement et spirituellement malade pour continuer de détruire sa propre maison, la Terre, qui lui permet de vivre et de prospérer. Ainsi, pour l’écopsychologie, la crise écologique est avant tout une crise de civilisation (23).  

Références

(1) Schroll, M. A. (2007). Wrestling with Arne Naess : A Chronicle of Ecopsychology’s Origins. 23(1), 30.

(2) Searles, H., & Blanchard, D. (1986). L'environnement non humain. Gallimard

(3) Shepard, P. (1982). Nature and madness. Athens, GA.

(4) Roszak, T. (2001). The voice of the earth: An exploration of ecopsychology. Red Wheel/Weiser.

(5) Roszak, T. E., Gomes, M. E., & Kanner, A. D. (1995). Ecopsychology: Restoring the earth, healing the mind. Sierra Club Books.

(6) Taleb, M. (2009). Psyché, cosmos et âme du monde. Fragments d’histoire de l’écopsychologie. L’Art du comprendre, (21), 187-201.

(7) Source wikipedia & www.biophilie-ecotherapie.org

(8) Wilson, E.O. (1984). Biophilia. Harvard University Press, Massachusetts.

(9) Cité dans Egger, M. (2015). Soigner l'esprit, guérir la terre: introduction à l'écopsychologie. Labor et Fides. p171.

(10) Egger, M. (2015). Soigner l'esprit, guérir la terre: introduction à l'écopsychologie. Labor et Fides. p175.

(11) Idem p191

(12) Voir le grand livre de Clayton, L. W. (2003). Identity and the natural environment: The psychological significance of nature. Mit Press.

(13) Clayton, S., Czellar, S., Nartova-Bochaver, S., Skibins, J. C., Salazar, G., Tseng, Y. C., ... & Monge Rodriguez, F. S. (2021). Cross-Cultural Validation of

        A Revised Environmental Identit Scale. Sustainability, 13(4), 2387.

(14) Mayer, F. S., & Frantz, C. M. (2004). The connectedness to nature scale: A measure of individuals’ feeling in community with nature. Journal of

        environmental psychology, 24(4), 503-515.

(15) Idem.

(16) Seed, J. (2006). The ecological self. The Trumpeter, 22(2).

(17) Catherine Keller cité dans Egger, M. M. (2017). Ecopsychologie.Jouvence. p.86.

(18) Naess, A., & Dunand, S. (2017). La réalisation de soi: Spinoza, le bouddhisme et l'écologie profonde. Wildproject. p139.

(19) Egger, M. M. (2017). Écopsychologie. Jouvence. p85.

(20) James Hillman cité par Jean-Pierre Le danff sur https://ecopsychologiefrance.wordpress.com

(21) Egger, M. (2015). Soigner l'esprit, guérir la terre: introduction à l'écopsychologie. Labor et Fides. p152.

(22) Texte élaboré à partir de Albrecht, G. (2020). Les émotions de la Terre: Des nouveaux mots pour un nouveaux monde. Éditions Les Liens qui              libèrent. & Egger, M. (2015). Soigner l'esprit, guérir la terre: introduction à l'écopsychologie. Labor et Fides.

(23) Texte élaboré à partir de Egger, M. M. (2017). Écopsychologie. Jouvence. p8.

* Egger, M. M. (2017). Écopsychologie. Jouvence.

* Romanens, M., & Guérin, P. (2017). Pour une écologie intérieure: renouer avec le sauvage. Le Souffle d'Or.

* Traduction libre à partir de l'article de Sussman, R. (2014). Deeper than our differences: The five common factors of ecopsychology. Ecopsychology, 6(1), 51-52.

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